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ASSEMBLEE NATIONALE Le Moniteur 15 Thermidor An III (suite de la séance du 9 Thermidor qui commémore le premier anniversaire de la chute de Robespierre) Il est une heure. Tallien monte à la Tribune ; il est couvert d'applaudissements. Il y a un an qu'à pareille heure, Tallien disait en parlant de Robespierre qu'il attaquait : Tout annonce que l'ennemi de la représentation nationale va tomber sous les coups ; aujourd'hui il vient annoncer que les ennemis de la République, ceux qui avaient osé remettre le pied sur la terre natale pour assassiner leur Patrie, sont entièrement défaits. Aujourd'hui comme il y a un an, il était à la victoire. Tallien. : Représentans du Peuple, j'accours des rives de l'Océan joindre un nouveau chant de triomphe aux hymnes triomphales qui doivent célébrer cette grande solennité. Je te salue, époque auguste où le Peuple écrasa la tyrannie décemvirale ! Heureux, trois fois heureux anniversaire où les défenseurs de la Patrie ont terrassé la coalition de l'étranger et des parricides ! Je te salue. Le comité de salut public nous a ordonné de vaincre les ennemis de la République qui avaient osé souiller son territoire. Il est obéi. L'armée républicaine a vaincu celle de la contre révolution. Quiberon, le Fort de Penthièvre, et tout ce qui s'est trouvé dedans, est au pouvoir de la République. Oui, Représentans ; courbés trop longtemps sous le faix ignominieux des vaisseaux d'Albion ; l'Océan français a vu ses légitimes dominateurs reprendre sur ses bords du moins l'attitude qui leur est naturelle, l'attitude de la victoire. Il a tressailli à l'aspect de nos braves, armés par la vengeance, guidés par l'enthousiasme de la République, poursuivant, au sein des flots qui les ont rejetés, sous le glaive de la loi, ce vil ramas des complices, des stipendiés de Pitt, ces exécrables auteurs de tous les désastres et de tous les forfaits contre laquelle la France lutte depuis cinq ans. « Ils ont osé (disions nous en parlant des émigrés, dans une proclamation publiée à Vannes.) Ils ont osé remettre le pied sur la terre natale, la terre natale les dévorera. » Après avoir perdu, par son ineptie, le fruit d'une descente préparée à si grand frais, annoncée avec autant de jactance, favorisée par tant d'intrigues extérieures et intérieures, battue à Carnac, forcée d'évacuer Auray, Landevant, et tous les postes que la surprise lui avait livrés, l'armée anglo-chouanne-émigrée ne tarda pas à se voir bloquée dans son repaire de Quiberon, par les excellentes dispositions du général Hoche. Deux fois les modernes paladins voulurent tenter la vigilance et le courage de nos troupes républicaines ; deux fois ils ont essayé de se faire jour à travers nos colonnes. La première, ils furent repoussés par notre seule avant-garde, dont l'impétuosité les sauva d'une entière défaite. La seconde, ce fut le 18 messidor, cette même avant-garde, instruite par l'expérience, se replie à l'apparition de l'ennemi : celui-ci prend cette manS oeuvre pour une fuite ; déjà il croit inspirer la terreur qu'il a lui-même si souvent éprouvée. Il s'avance fièrement, l'arme au bras, contre nos troupes qui l'attendent dans le calme et le silence le plus profond. Les deux armées ne sont plus qu'à la demi-portée du pistolet. Tout à coup un feu terrible de mousqueterie se déploie sur le front de notre ligne ; il est soutenu sur ses flancs par deux pièces chargées à mitraille. L'audace de l'ennemi disparaît, elle fait place à la terreur et la confusion. Deux minutes décident la déroute ; il est poursuivi la bayonnette dans les reins, et se rallie à grand' peine sous la protection du feu de son fort et de l'escadre anglaise, qui vomit une grêle de boulets sur nos phalanges victorieuses. Quatre cents hommes de cavalerie de plus, et aucun n'eût échappé ; mais la mort des héros eût été trop douce pour des traîtres. La Providence leur réservait un châtiment dont la rigueur et l'opprobre devaient être proportionnés à leurs crimes, et qu'ils n'ont pas tardé de subir. Pour vous mettre à même de suivre avec l'intérêt qu'elle mérite l'opération décisive dont j'ai à vous entretenir, il est à propos de vous donner un léger aperçu des localités. On arrive à Quiberon par une langue de terre sablonneuse, nommée la Falaise, qui peut avoir une lieue dans sa plus grande largeur, et vient en s'étrécissant jusqu'à l'entrée de la presqu'île, où elle n'a plus que 30 toises. Cette entrée est hermétiquement fermée par le fort Penthièvre, qu'une lâche capitulation avait mis au pouvoir de l'ennemi. Notre camp, appuyé par ces deux ailes à la mer, était situé sur la Falaise, une lieue et demie du fort, en avant du petit village de Sainte-Barbe. Le gros de la flotte anglaise mouillait à gauche ; plusieurs bâtimens occupaient sans cesse la droite, et il n'y avait pas de jour que les chaloupes canonnières de l'ennemi ne s'avançassent jusqu'à la portée de fusil du rivage. C'eût été compromettre la dignité de nos armées que d'attaquer le repaire de ces brigands suivant les règles de l'art ; c'eût été leur ménager la possibilité d'une fuite qui n'en eût soustrait la plus grande partie à la vengeance nationale un exemple terrible, qui effrayat quiconque serait tenté de les imiter. L'ame de mon collègue, celle du général et la mienne ne formaient à cet égard qu'un même voeu. Il était conforme à celui de l'armée, qui chaque jour demandait à grands cris qu'on la conduisit à l'ennemi, que l'on fit une attaque de vive force. Il fut ordonné à une colonne d'élite, commandée par l'adjudant-général Ménage, de filer par la droite le long de la mer, jusqu'au pied du fort, de l'escalader et de s'en emparer. Une autre colonne, aux ordres du général Vatteau (sic) fut chargée d'attaquer de front, et une troisième, conduite par les généraux Humbert et Botta, après avoir suivi par la gauche la lesse de basse mer jusqu'au fort, fut destinée en partie à le tourner, à venir l'escalader par la gorge, et à se porter au village de Kerostin, pour s'opposer aux mouvemens que pourraient faire les troupes ennemies cantonnées dans la presqu'île. S'après ces dispositions, l'attaque devait être exécutée dès la nuit du 1er au 2 thermidor ; elle ne put l'être que la nuit suivante. Les troupes se mettent en marche à 11 heures su soir, au nombre de deux milles hommes : un orage affreux éclatait dans ces parages, la pluie tombait à grands flots, un vent froid et impétueux la jetait aux yeux du soldat et lui ôtait la faculté de se diriger. Errante sur cette vaste mer de sable, sans aucun signe qui puisse guider leur marche, nos colonnes se heurtent, se rompent et se confondent, et n'offrent plus qu'un chaos qui semble impossible à débrouillait. Il fallait pour y parvenir, toute l'activité, tout le sang froid du général. A travers les ténebres les plus épaisses, il reconnaît les chefs, distingue les différents corps, rectifie les erreurs, supplée, par de nouveaux ordres, à ceux qu'il est impossible de remplir, excite, presse, encourage, et réussit enfin à rendre chacun à son poste et à sa destination. Le point du jour nous trouva en présence du fort Penthièvre ; notre centre fut reconnu le premier et commença l'attaque ; pendant ce tems, les colonnes latérales s'avancent en silence vers les points qui leur sont indiqués : bientôt elles ont aperçues par les chaloupes canonnières anglaises qui bordaient le rivage, et dans les eux desquelles nos soldats étaient obligés de passer jusqu'à la ceinture. Ces intrépides soldats, ils n'avaient de moyens de défense que dans leur courage : tout le succès de cette affaire avait été confié à leurs bayonnettes. On n'avait pas même amené une pièce de canon, et l'humidité avait rendu leurs fusils des armes inutiles. Foudroyés de front par les batteries du fort, sur les flans par les chaloupes et les frégates anglaises, les troupes s'étonnent un instant, et font un mouvement rétrograde ; l'instant d'après elles sont ralliées ; mais il n'est plus tems, l'entreprise paraissait manquée, et la plus grande partie d'entre elles reprenait tristement le chemin de ses lignes : tout à coup un bruit sourd se fait entendre : une colonne des nôtres a pénétré, se disaient les soldats. Je lève les yeux vers le fort, et je n'y vois plus flotter l'étendard des rebelles ; le drapeau tricolore l'avait remplacé. Citoyens, le fort était à nous. A travers les flots d'une mer mugissante, sous le feu meurtrier de la mitraille anglaise, l'intrépide Ménage, à la tête des ses deux cents braves, s'était glissé de rocher en rocher jusqu'au pied du roc de la forteresse, l'avait gravi ; en se précipitant le sabre à la main dans l'intérieur, avait exterminé tous ceux qui avaient résisté. Cet exploit eût suffi sans doute à d'autres qu'à des Français ; mais pour eux et le général qui les commandait ce n'était que le premier pas dans la carrière, et ils avaient juré d'en parcourir toute l'étendue, et d'exterminer dans cette journée toute l'armée royaliste. Deux bataillons restent pour la garde du fort, le reste de l'armée s'élance dans la presqu'île sur les traces du général et des représentants du Peuple. En un clin-d'Sil elle a parcouru cette presqu'île d'une lieue et demie de profondeur. Tous les hameaux, toutes les maisons en sont fouillés avec soin : l'ennemi débusqué partout, se rend ou fait à vau-déroute ; quelques-uns des siens se rallient sur une hauteur, et font mine de résister. Un léger combat s'engage entre eux et nos tirailleurs ; mais l'aspect des deux colonnes qui vont les envelopper, éteint ce léger effor de courage. Ils fuient et se hâtent de rejoindre les compagnons de leur honte et de leur félonie. Chassés comme un vil troupeau, ils se réunissent tous sur le rocher, au bord de la mer, à l'extrémité de la presqu'île : c'est à ce rocher que viennent se briser leur fol orgueil, leurs espérances parricides, leur audace extravagante. En vain, cherchent ils à retarder le coup qui doit les frapper, en vain nous envoient ils plusieurs parlementaires pour obtenir quelques conditions. Quelle relation pouvait exister entre nous et ces rebelles ? Qu'y avait il de commun entre nous, que la vengeance et la mort ? La charge bat à coups redoublés par ordre du général ; l'escadre anglaise au nombre de 154 voiles, tâche en vain d'en imposer à nos troupes par un feu terrible et non interrompu. Les boulets la mitraille, pleuvent sur nos colonnes, mais rien ne peut arrêter les républicains, sept cents grenadiers fondent avec impétuosité sur le rocher, la baïonnette en avant. Les vaincus jettent des cris de désespoir. Ils demandent à se rendre. Le général leur envoie l'ordre de mettre bas les armes, et de faire cesser le feu des Anglais. Eh ! s'écrient ils, ne voyez vous pas qu'ils tirent sur nous comme sur vous ! Cependant le général s'aperçoit qu'on profite d'un moment de répi qu'il a bien voulu donner, pour faire quelques embarcations. A l'instant, deux pièces de canons sont trainées sur le bord de la mer, et une vingtaine de coups de mitraille empêchent les bâtimens de revenir. Ce moment, fut le terme fatal pour le châtiment de tant de crimes et de trahisons ; tout ce que l'île contenait d'ennemi vient mettre bas les armes, et se rendre à discrétion. Quel spectacle pour la France, pour l'Europe, pour le monde entier, que ces émigrés si fiers, déposant humblement les armes entre les mains de nos volontaires, les remerciant avec des larmes de honte et de remords de ces sentiments de générosité si communs chez les Français, et que les belles ames éprouvèrent toujours au sein de la victoire ; suivant les vainqueurs en vomissant des imprécations contre l'étranger, perfide, dont les funestes secours, les ont rendu tout à la fois les plus coupables et les plus malheureux des hommes ! ils disaient : »les puissances étrangères nous ont toujours trompés, elles nous donnent encore en ce moment, par leur lâche abandon, une preuve de leur attachement. » Tels est représentans, le résultat de cette expédition véritablement étonnante, qui a fait tomber entre les mains de la République, la totalité de cette armée prétendue si formidable, et qui avait été vomie sur nos côtes, par le gouvernement anglais, pour opérer la contre-révolution, assassiner les patriotes et ravager les propriétés de ceux qui étaient restés fidèles à la cause de la République. Je tiens à la main l'un des poignards dont tous ces chevaliers étaient armés, qu'ils destinaient à percer le sein des patriotes, et dont ils n'ont pas fait usage pour eux-mêmes parce qu'ils connaissaient le venin que cette arme recelait. (le rapporteur présente ce poignard) Il faut apprendre à toutes les Nation qu'un animal en ayant été frappé, il a été vérifiée que sa blessure était empoisonnée. Tels sont les moyens employés par cet atroce gouvernement pour perpétuer au milieu de nous toutes les horreurs de la guerre civile la plus sanglante. Mais toutes les combinaisons machiavéliques de Pitt sont venues échouer devant le courage imperturbable des défenseurs de la Patrie. Je dois, Citoyens, vous faire encore connaître un des moyens employés par nos ennemis pour parvenir à notre destruction, mais qui a accéléré la leur. Une foule de prisonniers français gémissait dans les prisons d'Angleterre. Chaque jour on redoublait de dureté à leur égard. On leur retranchait successivement la ration de pain qui servait à leur nourriture, on calculait le degré d'affaiblissement de leurs forces physiques ; alors les émigrés se présentaient à eux et leur offraient d'améliorer leur fort, s'ils voulaient s'engager dans leurs corps, beaucoup résistèrent pendant long-tems ; mais les horreurs de la famine, les maladies contagieuses, le spectacle de leurs compagnons d'infortunes périssant par milliers, en déterminèrent un grand nombre à prendre parti ; mais ils ne furent pas plutôt débarqués, qu'ils se ressouvinrent qu'ils étaient français, et dès lors plusieurs abandonnèrent le camp ennemi, et vinrent nous rendre compte de tout ce qui s'y passait, de ce que l'on projettait, des forces qu'on pouvait nous opposer. Je ne puis en ce moment vous faire connaître le nom de tous ceux qui les premiers vinrent se ranger sous nos drapeaux ; mais je ne puis passer sous silence, le dévoûment héroïque de Nicolas Litté, Antoine Mauvage, sergens majors au 41° régiment ; et Jacques-Philippe David, de Dieppe, qui sont venus nous donner les renseignements les plus importans, qui ont guidé nos colonnes lors de l'attaque, et qui ont ainsi contribué, d'une manière toute particulière, aux succès de cette journée. Nous avons cru entrer dans vos intentions en récompensant sur le champ de bataille même ces braves citoyens. Ces deux sergens majors ont été faits capitaines, et David sous-lieutenant de cavalerie : vous ratifiez sans doute ces nominations. Au moment et après l'attaque du fort, un grand nombre de soldats également enrôlés de force, sont venus déposer leurs armes ; nous avons pris des mesures pour nous assurer que parmi ces transfuges il ne se trouvait pas d'émigrés. Empressé de venir vous rendre compte de cette victoire importante, désirant surtout arriver pour célébrer l'anniversaire du 9 thermidor d'une manière digne du Peuple et de vous, je n'ai pu apporter avec moi la liste de tous les émigrés faits prisonniers. On a remarqué principalement l'évêque de Dol et tout son clergé ; presque toute la ci-devant marine royale, composant le régiment d'Hector. Il y a plus de six cents épées portant sur la garde une ancre, une mappemonde et trois fleurs de lys, beaucoup de ci-devant nobles Bretons. Le jeune Sombreuil, arrivé la veille avec cinq régimens d'émigrés, commandait toute l'armée, qui était composée de 10.000 hommes, dont environ 2,500 émigrés, 1,500 chouans et 6,000 prisonniers français qu'ils avaient encadrés dans leurs corps. Nous avons trouvé des magasins immenses de farine, biscuits, rhum, fromage, 70,000 fusils, 150,000 paires de souliers, des effets d'habillement et d'équipement pour une armée de 40,000 hommes. Le général vous fera passer les états dès qu'ils seront achevés. Je ne vous détaillerai pas tous les actes de courage qui ont eu lieu, ils sont innombrables ; mais je dois rendre une justice éclatante à la conduite du général Hoche : hardiesse de conception, sang froid au milieu des contrariétés de toute nature, bravoure, intrépidité, prévoyance, activité et fermeté, telles ont les qualités qu'il a déployées dans cette journée. Il a répondu d'une manière victorieuse à ses détracteurs, et justifié la confiance du gouvernement. Il est une circonstance précieuse que je ne dois pas taire, c'est la générosité, l'humanité avec laquelle se sont conduits les soldats. Hors du combat, il n'a pas péri un seul ennemi ; il n'en a pas même été insulté aucun. J'en ai vu plusieurs conduire les émigrés malades ou blessés, les traiter avec humanité, et leur prodiguer les soins qu'exigeait leur état. « Représentans, nous disaient ces braves gens, nous ne sommes pas des assassins, nous nous défendons contre celui qui est armé ; mais nous protégeons le criminel sans défense : il existe des lois contre les traîtres ; nous demandons qu'elles soient exécutées ». Nous leur avons promis que justice serait faite par la commission militaire : elle est actuellement en activité, et s'occupe de l'application de la loi. Tel est le rapport que j'avais à vous présenter. Pressé par le tems, je n'ai pu apporter à sa rédaction toute l'attention que l'importance du fait méritait ; mais je n'ai oublié aucun fait principal. C'est à nous, chers collègues, à profiter de cette victoire importante. Les émigrés armés sont détruits ; mais leurs partisans compte encore sur nos divisions : ils espèrent voir encore les Français s'entr'égorger. Déjouons tous leurs projets criminels par notre fermeté ; mettons à combattre le terrorisme de quelque manière qu'il soit, le même courage que déploient chaque jour nos armées pour détruire les cohortes infâmes. Depuis la nouvelle de cette victoire, répandue dans les départements de l'Ouest, a produit d'heureux effets. Beaucoup de Chouans rentrent ; et au moyen de quelques mesures fermes, mais sages, il est possible de préparer l'époque prochaine du retour dans le sein de la Patrie, d'un grand nombre de ses enfans égarés. J'ai recueilli beaucoup de papiers, beaucoup sont importans ; on y voit quelles sont les espérances ; on lit dans une de ces lettres écrites de Londres : « Les chouans pourraient se laisser tenter par le moderantisme ; je suis bien fâché que les Jacobins se soient laissé abattre aussi promptement à Paris ; mais nous avons encore d'autres cordes à notre arc. » Nous avons cru seconder vos intentions paterneles en faisant sur le champ mettre en liberté toutes les femmes et enfants des chouans. Nous rendons ainsi plus de trois mille bras à l'agriculture, qui, dans ces contrées, en a un pressant besoin. Ce rapport est fréquemment interrompu par les plus vifs applaudissemens et les cris de vive la République. Un des secrétaires donne lecture de la lettre suivante : Le général en chef aux citoyens composant le comité de salut public Au quartier général de l'armée des côtes de Brest à Vannes, le 4 thermidor, l'an 3° de la République, une et indivisible. Représentans, l'armée de la contre-révolution, renfermée dans la presqu'île de Quiberon, a été contrainte hier de déposer les armes après l'enlèvement de vive force du fort de Penthièvre et du camp retranché qu'il défend. Les différentes attaques en marche, maneuvres, ont été faites sous les yeux des représentans du Peuple Tallien et Blad. Ces citoyens n'ont pas quitté la tête des colonnes. Ils vous donneront les principaux détails de l'affaire. Signé , L. Hoche. Relation de l'affaire du 3 thermidor troisième année républicaine. Hier, 3 thermidor, deux heures du matin, le fort Penthièvre, le camp retranché de la presqu'île de Quiberon, ont été attaqués par trois mille hommes de troupes du camp de Sainte Barbe, qui, après une heure de combat, s'en sont emparés de vive force sous le feu des chaloupes canonnières anglaises. Les attaques ont été dirigées par les généraux Humbert, Vatteau (sic), Botta, (cet excellent officier a eu le pied gauche enlevé par un biscayen) et l'adjudant-général Ménage ; celui-ci, avec moins de trois cents hommes, bravant le feu du fort, celui des chaloupes canonnières et les flots de la mer, qui montait et était très mauvaise en ce moment, a gravi les rochers de la pointe de l'Ouest, et a facilité l'attaque de front du général Vatteau. Bientôt nos troupes ont été à la poursuite de l'ennemi, et la présence de deux mille hommes dans la presqu'île a fait mettre bas les armes aux régimens d'Hervilly et d'Hector. Cinq régimens débarqués le 1er thermidor (Dams, Leon, Rohan, Salm, formant la division du comte Charles de Sombreuil) Royal-émigrant et les chouans ont fait mine de vouloir se défendre, en se retirant du côté du port où ils devaient se rembarquer. Les têtes des colonnes ont été dirigées sur ces rebelles, et sept cents grenadiers les tenant en échec, les ont contraint de rejoindre leurs camarades ; ce qu'ils firent, n'ayant d'autre espoir que d'être jeté à la mer ou passés au fil de la baïonnette. Déjà les embarcations reprenaient quelques chefs à bord ; une vingtaine de coups de canon à mitraille les empêchèrent de revenir ; et là, sur un rocher, en présence de l'escadre anglaise qui tirait sur eux et sur nous, fut pris l'état-major, à la tête duquel était Sombreuil, les chefs de corps, officiers d'artillerie et du génie. Nos troupes étaient sur pied depuis 10 heures du soir par le tems le plus horrible ; elles firent halte en ce moment seulement (6 heures du matin ;) tous les prisonniers, dont aucun même ne fut insulté, furent conduits au fort, et de là transférés à Auray. Les femmes chouanes et leurs malheureux enfants furent mis en liberté. Je ne puis vous dire au juste ce qui s'est trouvé dans Quiberon. On m'a parlé de 70 mille fusils, 150 mille paires de souliers, des magasins immenses de vivres, de munitions, d'effets d'habillement et équipement. Le voilà donc, M. Pitt, le résultat de trois années de travaux ! Quels sentiments pensez vous inspirer à ceux que vos nombreux armemens ne pourront sauver de la vengeance nationale ? Ils vous abhorrent : vous les avez indignement sacrifiés. Envoyez nous d'autres victimes, elles apprendront à connaître votre politique, lorsqu'elles seront sur notre sol. Vous n'ignorez pas, Monsieur, qu'il n'est jamais envahi impunément ; mais cs malheureux sont nés en France, et conséquemment ils sont, ainsi que nous, l'objet de votre haine. Demandez à M. de Puisay, qui s'est embarqué au premier coup de fusil, s'il est aussi aisé de vaincre les républicains sur leur territoire que dans votre cabinet. M. Pitt, il est un dieu vengeur, vos forfaits seront punis. |