
La bataille des Cardinaux
 A Cold November Day - Monamy Swain montrant le Royal George de Hawke. (National Maritime Museum neg 5639)
En août 1759, la guerre de Sept Ans bat son plein, quatre petits rochers à l'ouest de Hoëdic vont donner leur nom à une bataille navale, tristement célèbre, contre nos voisins anglais. Le roi Louis XV, ou plutôt sa marine royale, a infligé une sévère punition à ces éternels adversaires à St Cast, mais en a subi une du coté de Gibraltar… Aussi, à l'Amirauté germe l'idée d'un coup décisif, une invasion des îles britanniques , et donne pour ce faire instructions à l'escadre de Brest d'aller chercher la troupe basée dans le Morbihan. Vingt et un vaisseaux, trois frégates et deux corvettes dotés de 1.500 canons pour embarquer l'infanterie terrestre, soit au total environ 14.000 hommes, placés sous les ordres de l'Amiral de Conflans, âgé de 70 ans.Les navires sont rassemblés dans le golfe du Morbihan, prêts à transporter le corps expéditionnaire qui doit intervenir en Ecosse. Pour appareiller, le convoi attend l'escadre de Brest,  La bataille des cardinaux 1759 par Francis Swaine, 27 x 56 Le bateau de l'Amiral de Conflans(bannière) Soleil Royal est en feu ,le second à partir de la gauche en première ligne au milieu est le navire deamiral de Sir Edward Hawke le Royal George.
<< Le royal George Les Anglais sont bien renseignés sur nos défenses et nos engagements de forces, aussi alignent-ils trente quatre vaisseaux, ainsi que dix frégates et corvettes armés de plus de 2.000 canons… et comptent sur une supériorité numérique d'environ 3.500 hommes.
2 Cartes des lieux :

les îles sont bien pourvues (elles aussi) en hommes et équipements : Belle-Ile, Houat, Hoëdic, l'île Dumet fortifiée par le vainqueur de St Cast, le Duc d'Aiguillon. L'amiral de Conflans pense qu'il faut amener l'ennemi, dirigé par l'amiral Hawkes, en baie de Quiberon, où il espère compenser son infériorité numérique par une subtile manœuvre : les placer entre la côte rocheuse très dangereuse (et ses batteries terrestres) et la flotte française. Mais on ne commande pas aux éléments, et dans l'après-midi du 20 novembre, le vent est "très frais" et il n'y a plus guère de visibilité (les ordres se transmettaient par pavillons de couleurs). L'amiral ne parvient pas à organiser correctement son convoi et le combat s'engage trop tôt, entre le Four, l'île Dumet et les Cardinaux.
<<<Sir Edward Hawke
La position "en ligne" très prisée à l'époque (jusqu'à Trafalgar) et demandée par le boss ne peut être respectée très longtemps, surtout que le vent a changé et qu'il faut virer sous peine d'être bloqué à la côte, et ceci en laissant suffisamment d'espace entre chaque navire pour la manoeuvre.
Le Tonnant manque à virer, et cule. L'Anglais, au vent, s'infiltre et engage le combat. Le Thésée, vaisseau de 74 canons, vire précipitamment. Il coule près de l'embouchure de la Vilaine, les sabords de sa batterie basse étant restés ouverts (Michel VERGE-FRANCESCHI) avec 630 de ses hommes dont Guy François kersaint, Comte de Coëtnempren et deux de ses fils Jacques Guy François et Guy-François. Pendant et après la bataille, les Anglais et les Français sauvent les adversaires naufragés, et ils soignent ceux qu'ils peuvent Le Redoutable est capturé et ses hommes faits prisonniers, le Superbe (70 canons, ) est coulé, le Soleil Royal (navire amiral, 120 canons, 2500tx) se réfugie près de la côte, et au matin se trouve relativement esseulé (il n'y a plus que le Héros qui l'attend). Sept vaisseaux, trois frégates et une corvette, après s'être allégés en passant leur artillerie par-dessus bord, se sont enfuis vers la Vilaine… Le Héros s'est laissé dériver pour protéger son navire amiral et n'est plus qu'une épave. L'amiral de Conflans se retrouve donc seul devant l'escadre de Hawkes, et préfère se saborder plutôt que de se rendre à l'ennemi. Il incendie son vaisseau, passe lui aussi ses superbes canons par-dessus bord. Le gouverneur du Croisic, le marquis de Broc, fait donner ses batteries pendant plusieurs jours, et les anglais ne pourront emmener, plusieurs semaines après, que la figure de proue du vaisseau amiral : une statue de Louis XV. Les bateaux réfugiés en Vilaine resteront presque deux ans, bien gardés par une marine anglaise toujours présente ; parmi eux, l'Inflexible ne pourra être relevé d'une vasière près d'Arzal, après rupture de ses amarres. L'amiral, lui , pestera contre les "terrestres". Les bouches à feu primitives étaient construite à partir de barres de fer réunies par forgeage, puis cerclées ; elles tiraient des boulets de pierre sphériques. Au XVè siècle, les volées de canon furent coulés d'une seule pièce, au siècle suivant, ils furent coulés en bronze, puis l'âme fut creusé après la coulée. Ils se chargeaient par la bouche pour garder une plus grande résistance. On utilisa des boulets de fer. Grâce à des poudres de meilleure qualité, leur portée fut agrandie. Le largage des canons français à cette bataille des Cardinaux, serait du à l'existence d'un nouveau type d'engin à allumage par silex (et non par boute-feu) : il ne fallait pas qu'ils passent à l'ennemi. En ce temps là, avec une cadence de tir d'environ 10 à 15 coups à l'heure, les canons ne résistaient pas longtemps, et devaient être refondus régulièrement. Ceux de certains vaisseaux étaient décorés, gravés comme si cette ornementation avait une valeur guerrière. Aujourd'hui un canon du Soleil Royal est visible au Croisic, un second venant de l'Inflexible, est visible à La Roche Bernard (face à "la maison du canon"), un troisième dans cette même cité et visible sur le site du rocher, provient du vaisseau le Juste. Quant aux rochers des Cardinaux, ils sont aujourd'hui flanqués d'un phare du même nom qui remplace celui Hoëdic. Une tourelle éponyme est implantée sur les lieux du naufrage du Soleil Royal.  Le lendemain de la bataille des Cardinaux.... par Richard Wright - Huile/toile 635 x 762 mm - National Maritime Museum , London
En commentaire, on peut réfléchir au terme "vaisseaux de ligne". Souvent les batailles voyaient un affrontement de lignes de vaisseaux, à coup de canons. Et les anglais étaient non seulement plus équipés, mais aussi beaucoup plus habiles que les français à ce type de sport. Il faudra attendre la bataille de Trafalgar pour que Nelson prouve l'inefficacité de ce dispositif, en s'infiltrant luis aussi entre les rangs des bateaux de l'amiral de Villeneuve avec le résultat que l'on sait. La suprématie du bateau le plus manœuvrant devient évidente, elle était d'ailleurs bien connue des corsaires qui n'hésitaient pas, avec des petits gabarits, à entrer en chasse de bateaux beaucoup plus lourds et plus armés. The Battle of Quiberon Bay (bataille des cardinaux) par Nicholas Pocock, 1812. National Maritime Museum
les anglais ont 300-400 pertes, les français 2500. On pourra aussi sourire quant aux négociations qui seront menées par le duc d'Aiguillon et l'amiral Hawke pour des échanges de prisonniers. Après beaucoup de politesses et d'envois de présents, elles commenceront à l'initiative des anglais, et leur déléguation abordera à Pénerf du 23 à fin novembre (le navire amiral mouillant à un mille au large) pour la restitution des prisonniers du Formidable, entre autres, dont 114 blessés entreront aux hopitaux de Vannes avant la fin du mois.
<<< Jean Françoise de Galaup de Laperouse, blessé, est fait prisonnier à 18 ans sur le Formidable puis libéré sur parole le 28
Le canon tonnera encore en embouchure de Vilaine pour protéger les réfugiés, et au Croisic jusqu'à mi-décembre, ponctuant les aléas politiques de ces tractations...
les protagonistes Les Français | | Nom | Commandement | canons/ hommes | Commentaires | | Soleil Royal | Cap.B. de Chasac | 80/950 | Sous la marque de Conflans - brûlé | | Orient | Cap.N. de la Filière | 80/750 | Marque du Chevalier de Guébridant Budes réfugié à Rochefort | | Formidable | Cap.St André
| 80/800 | Marque de Saint André du Vergé - pris | | Tonnant | Cap.St Victoret | 80/800 | Marque du Chevalier de Beauffremont réfugié à Rochefort | | Magnifique | Bigot de Morogues | 74/650 | réfugié à Rochefort | | Intrépide | Chastologer | 74/650 | réfugié à Rochefort | | Héros | Vicomte de Sanzay | 74/650 | brûlé | | Thésée | Kersaint de Coetnempren | 74/650 | coulé | | Robuste | Fragnier de Vienne | 74/650 | réfugié en Vilaine | | Glorieux | Villars de la Brosse | 74/650 | | | Dauphin Royal | Chevalier d'Uturbie Fragosse | 70/630 | réfugié à Rochefort | | Northumberland | Belingant de Kerbabut | 70/630 | réfugié à Rochefort | | Juste | François de Saint Allouarn | 70/630 | échoué en Loire | | Superbe | Montalais
| 70/630 | pris | | Dragon | Vassor de la Touche | 64/450 | réfugié en Vilaine | | Eveillé | Prévalais de la Roche | 64/450 | réfugié en Vilaine | | Brillant | Keremar Boischateau | 64/450 | réfugié en Vilaine | | Bizarre | Prince de Montbazon | 64/450 | réfugié à Rochefort | | Solitaire | Vicomte de Langle | 64/450 | réfugié à Rochefort | | Hébé | | 40/120 | rentre à Brest | | Vestale |
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| réfugié en Vilaine | | Aigrette |
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| réfugié en Vilaine | | Calypso |
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| réfugié en Vilaine | | Prince Noir | - | - | réfugié en Vilaine | | Vengeance | - | - | - | | Sphinx | Goyon | 64/ | | | Inflexible | Tancrede | 64/ | perdu en entrant en Vilaine |
 | Parmi les navires la frégate "La vengeance" |  | Les bateaux avitailleurs français Ils étaient chargés de vivres pour l'expédition de conquête de l'Angleterre d'après un bordereau de founitures à Nantes | Bateaux Français | port en tonneaux | Bateaux Français | port en tonneaux | | Le Pallu | 450 | le St jean Baptiste | 300 | | L'Amphitrion | 300 | les Jeanes Cousins | 170 | | l'Entreprenante | 170 | le Centaure | 450 | | la Pomme d'or | 400 | la Folie | 300 | | le Prince sauvage | 180 | la Driade | 150 | | Le Courteille | 350 | la Brillante | 400 | | la Loire | 300 | la Menette | 200 | | le Félicité | 250 | le Conflan | 400 | | la Gloire | 400 | le Théophile | 200 | | le Lowendal | 300 | l'Aigle | 180 | le Mercure | 400 | le Robuste | 300 | soit | 22 accompagnateurs | pour au total | 6550 tx |
Bateaux Anglais | Nom | Commandement | canons équipage |
| | Royal George | Captain Campbell | 100/880 | Sous la marque de Hawke
| | Union | captain J.Evans | 90/770 | Sous la marque de Sir Charles Hardy | | Duke | Thomas Graves | 90/750 | - | | Namur | M.Buckle | 90/780 | - | Resolution
| H.Speke | 74/600 | échoué au Four
| | Hero | Honorable G.Edgecombe | 74/600 | - | | Warspite | Sir John Bentley | 74/600 | | | Hercules | W.Forterscue | 74/600 | -
| | Torbay | Hon.Augustus Keppel | 70/520 | -
| | Magnanime | Lord Viscount Howe | 70/520 | ex français
| | Mars | Commodore J.Young | 70/520 | -
| | Swiftsure | Sir Thomas Stanhope | 70/520 | | | Dorsetshire | P.Denis | 70/520 | -
| | Burford | G.Gambier | 70/520 | -
| | Chichester | W.S.Willet | 70/520 | -
| | Temple | Hon.W.Shirley | 70/520 | -
| | Essex | Lucius O'Brien | 64/480 | échoué au Four
| | Revenge | J.Storr | 64/480 | -
| | Montague | Joseph Rowley | 60/400 | -
| | Kingston | Thomas Shirley | 60/400 | -
| | Intrepid | J.Maspleden | 60/400 | -
| | Dunkirk | R.Digby | 60/420 | -
| | Defiance | P.Raird | 60/420 | -
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François DE SAINT-ALLOUARN commande « le Juste » son frère ROSMADEC est son second. Godefroy de Roussel de Préville était à bord du FORMIDABLE, Son frère François était sur le Brillant
Lettre du Baron de Tersac à Monsieur de Vernajou (son père) avec adresse et marque postale "LAROCHE/BERNARD", à bord du Glorieux en rivière de la Vilaine le 25 novembre 1759. Merci à http://perso.wanadoo.fr/bibliorare "Monsieur mon très honoré père, Il aurait été inutile de vous informer de notre sortie de Brest; il est heureux pour moy, et j'en doit remercier le tout puissant, d'être à même de pouvoir vous informer de l'échec que vient de recevoir notre marine; le Regt à été écrasé mais j'ai eu le bonheur de m'en tirer sain et sauve. Nous avons été combattu par des forces supérieures du double au notres. L'affaire s'est passée sur les cotes du sud de Bretagne. Les elemens nous ont été plus contraires que nos ennemis, nous avons eu deux vaisseaux qui ont fait capot par le gros tems. Le pauvre De Brie l'ainé .. et toute sa compagnie se sont noyés dans un de ceux qui a eu le malheur de chavirer; nous avons cinq compagnies qui ont été faites prisonnières de guerre qui ont perdu six officiers qui ont été tués .. trois de blessés et trois qui n'ont rien eu. Le Ch.de Brie est du nombre de les derniers. Nous sommes entrés ici sept vaisseaux et quatre frégates sans avoir quasi souffert. Mr le Ml.de Conflans a été obligé de bruler son vaisseau a la cote et notre état major et cinq compagnie du Regt qui étaient sur son bord vont en garnison à St Brieux. J'attend l'ordre de les y aller joindre avec bien de l'impatience. Car nous sommes bien ennuiés d'être sur les vaisseaux. Le détail de notre affaire est au dessus de mes forces, il faut être du métier pour pouvoir en dire quelque chose de vraisemblable; je laisse aux nouvelles publiques le soin de vous en instruire, il n'y a point d'exemple d'un regt qui est autant souffert car outre le nombre prodigieux de monde que nous avons perdu, ce qui s'en est échapé ou sauvé que ce qu'il avait sur lui et a perdu armement et équipement de tout espèce il est impossible de nous relever si le roy ne nous en donnait le moyen ..." (extraits et sources : http://perso.club-internet.fr/kervoyal/, Secrets et gloires du Morbihan de Claude Dervenn, Les mystères de l'île Dumet de E. Letertre, le combat des cardinaux de Pierre de la Condamine, etc. )
Plus de renseignements : www.archeosousmarine.net/cardinaux.html
En 2009 a eu lieu la commémoration pour les 250 ans du drame
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